Stop sécurité globale

Conférence de presse
à ciel ouvert sur le parvis de l’Opéra Comédie à Montpellier le samedi 5 décembre 2020

Le collectif Stop sécurité globale regroupe près de 60 associations et organisations, outre des personnes motivées isolées, car cette loi nous concerne TOUS.
Un seul mot d’ordre : RETRAIT pur et simple d’une telle loi liberticide qui nous fait basculer dans une autre dimension : celle d’un monde, tel que décrit par George Orwell dans 1984, de surveillance généralisée : Big Brother te regarde !

Cette loi n’arrive pas par hasard, elle fait suite au « Nouveau Schéma du maintien de l’ordre » et s’intègre dans le « Livre blanc de la sécurité intérieure » qui trace les grandes lignes des dix années à venir :
Renforcement des technologies de surveillance,
Contrôle de l’information par le ministère de l’Intérieur,
Impasse sur les violences policières et le suivi disciplinaire des forces de l’ordre,
Les crédits concernant la sécurité vont passer à 1 % du PIB d’ici à 2030.
C’est ce qu’ils appellent « Placer l’humain au cœur de l’action »…
« La sécurité est la première des libertés. » Ce leitmotiv sarkoziste a été emprunté à son prédécesseur Jacques Chirac qui le tenait lui-même de son Premier ministre Lionel Jospin qui, dans son discours de politique générale à l’Assemblée nationale le 19 juin 1997 a qualifié la sécurité de « droit fondamental de la personne humaine », sa deuxième priorité après le chômage.
La délinquance, analysée jusque-là comme l’une des conséquences des inégalités sociales, en devenait l’une des causes.
Thomas Jefferson, l’un des principaux rédacteurs de la Déclaration d’indépendance de 1776 nous avait pourtant prévenu : « Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l’une ni l’autre. »
En attendant la nouvelle loi contre le Séparatisme, rebaptisée « Loi confortant les principes républicains », « Sécurité Globale » est le énième avatar mais qui nous fait entrer dans une autre dimension de l’empilement de lois sécuritaires et liberticides qui se sont succédé depuis une vingtaine d’années, après les attentats du 11 septembre 2001 sur le sol américain.
40 lois à ce jour, dont je me contenterai de citer les plus emblématiques :
– 2001 : loi sur la sécurité quotidienne,
– 2003 : loi sur la sécurité intérieure,
– 2004 : loi portant adaptation de la Justice aux évolutions de la criminalité, dite loi Perben II :
– 2005 : loi instituant un État d’urgence partiel,
– 2007 : loi relative à la prévention de la délinquance,
– 2008 : loi relative à la rétention de sûreté,
– 2010 : loi renforçant la lutte contre les violences de groupe et la protection des personnes chargées d’une mission de service public, dite « loi Estrosi »,
– 2011 : loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI II,
– 2015 : loi sur le renseignement,
– 2015 : instauration de l’État d’urgence (levé au bout de deux ans),
– 2016 : loi renforçant la lutte contre la crime organisé, le terrorisme et leur financement,
– 2017 : loi relative à la sécurité publique,
– 2019 : loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public, dite « loi anti-casseurs »,
L’État d’urgence sanitaire, instauré initialement par la loi du 23 mars 2020 jusqu’au 10 juillet, réinstauré à compter du 17 octobre, est prolongé jusqu’au 16 février 2021.

4 points essentiels :
– TRANSFERT de compétences régaliennes vers les polices municipales et les sociétés de sécurité privée,
– AUGMENTATION de l’utilisation des caméras de vidéo-surveillance portées par les policiers,
– AUTORISATION de la surveillance de la population par drone,
– INTERDICTION de filmer les violences policières.

1. La mesure la plus contestée, c’est l’article 24 de cette loi concernant l’usage « malveillant » d’images des forces de l’ordre, punissant d’un an de prison et de 45 000 € d’amende la diffusion du visage ou de tout élément d’identification d’un policier ou d’un gendarme, à l’exclusion de son matricule qui en pratique est très rarement visible , lorsqu’elle a pour but de porter atteinte à son intégrité physique ou psychique.
Notion particulièrement floue. On est dans l’intentionnalité, alors que les principes régissant le droit pénal s’appliquent à des faits, et cela va accroître le sentiment d’impunité des policiers violents.
Les journalistes se sont sentis particulièrement visés par cette disposition, mais qui concerne aussi les observateurs et, au-delà, toute personne présente sur les lieux qui ferait usage de son smartphone. Un parallèle ne peut manquer d’être fait avec le Nouveau Schéma du maintien de l’ordre, lequel prévoit que lorsque la police donne l’ordre de dispersion par voie de sommation, toute personne restant sur place, y compris journalistes et observateurs, sera considérée comme manifestant et poursuivie comme tel pour ne pas avoir obtempéré.
C’est pousser ainsi les journalistes et reporters-photographes à l’autocensure, ce qui constitue une grave menace pour la liberté d’information.
Devant le tollé général, après avoir fait procédé à deux ajouts « cosmétiques » : « sans préjudice de la liberté d’informer », et « manifeste » après « a pour but », le gouvernement s’est engagé, après le vote en première lecture par l’Assemblée nationale, à faire réécrire cet article 24 par une commission ad hoc, violant par là même la séparation des pouvoirs puisque c’est normalement le Sénat qui doit maintenant voter sur ce texte. Commission mort-née après la mise au point par le président de l’Assemblée nationale, suivie de celui du Sénat.
Mais cet article 24 n’est que l’arbre qui cache la forêt, et c’est bien toute la loi dont on demande le retrait.
2. Les polices municipales de plus de 20 agents voient leur champ d’intervention élargi : conduite sans permis ou en état d’ivresse, ivresse sur la voie publique, mise en fourrière de véhicules…
Montée en puissance également des sociétés de sécurité privée avec un périmètre de missions élargi, comme la participation à des opérations de palpation de sécurité. Mais, surtout, policiers municipaux et agents de sécurité privée pourront disposer d’armes dites « non létales », pourtant classifiées armes de guerre, à savoir les LBD 40.
3. Les caméras-piétons, dont sont déjà dotés policiers et gendarmes, vont disposer d’une nouvelle finalité : diffuser directement les images de leurs interventions, soi-disant « dans l’intérêt d’informer le public ».
Outre qu’aucune articulation n’est prévue avec le secret de l’enquête et qu’ayant ainsi accès à leurs propres images, ils pourront être amenés à modifier leur témoignage, la transmission en temps réel au poste de commandement va permettre l’analyse automatisée et en temps réel des images.
Il s’agit d’un changement de paradigme : c’est la reconnaissance faciale de toute personne présente dans le champ de la manifestation, militant politique, manifestant ou simple passant, qui va en découler, avec fichage possible à la clé.
4. Et, enfin, alors que le Conseil d’État l’a interdite jusqu’à présent, c’est la surveillance par drone que prévoit l’article 22 et donc, au-delà du ciblage lors des manifestations pour épauler la police au sol, la reconnaissance faciale qui en découle pour TOUS puisque c’est tout l’espace, public et privé, qui sera ainsi balayé.
Caméras fixes, caméras mobiles, drones, c’est la surveillance généralisée qui en découle, ne laissant aucune place à l’anonymat, essentiel pour le respect du droit à la vie privée, et qui aura un effet coercitif sur les libertés d’expression et de manifestation.
Bref, ce texte est contraire aux principes constitutionnels qui nous régissent et, ce 3 décembre, cinq experts indépendants du conseil des Droits de l’homme de l’ONU ont rendu publique une déclaration estimant que cette loi « Sécurité globale » est incompatible avec le droit international des droits de l’homme.
Pour conclure, je fais mienne cette réflexion de Patrice Spinosi, avocat près la Cour de Cassation et le Conseil d’État, et spécialiste de la défense des libertés publiques :
Nous construisons avec toutes ces lois sécuritaires les outils de notre propre asservissement de demain. Nous sommes à un point de bascule menaçant l’équilibre démocratique… Si jamais un candidat populiste à la Trump est élu en 2022, il aura à sa disposition tous les outils juridiques lui permettant de surveiller la population et de contrôler ses opposants politiques.
ON LACHE RIEN !

Jean-Jacques Gandini,
LDH, SAF

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