Pourquoi la résistance civile est efficace

Publié dans Réfractions, n° 48,
« Ce qui nous affecte »,
printemps 2022
Version abrégée dans l’émission Achaïra
le lundi 4 juillet 2022 à Bordeaux

Les « sages-femmes » de l’Histoire

Les États, quels qu’ils soient, main dans la main avec le néolibéralisme international, se caractérisent, à quelques modalités près, essentiellement par des structures de domination et de violence. Si notre monde est en soi profondément violent (« Mangez-vous les uns les autres ! »), l’espèce humaine (et aussi certains animaux) a pourtant développé des pratiques d’entraide tendant à créer, dès maintenant, des sociétés plus solidaires.
Jusqu’à il y a peu de temps, il était évident que, pour les révolutionnaires qui voulaient transformer le monde et changer la vie, seule la violence pouvait venir à bout des pouvoirs de l’État et du capitalisme. Être partisan de la non-violence, c’était vouloir la réconciliation de l’oppresseur et de l’opprimé, c’était en rester à une posture morale et idéaliste, c’était, en fin de compte, accepter le système. À la réflexion, si certains voulaient bien reconnaître une quelconque utilité à la non-violence, c’est en pensant que, tôt ou tard, il faudrait bien utiliser une contre-violence, moyen nécessaire et inéluctable, pour se défendre contre la répression du pouvoir et pour finalement l’abattre.

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Ukraine 1920

La Voie vers la liberté
du 5 juillet 1920

La makhnovtchina n’est pas l’anarchisme. L’armée makhnoviste n’est pas une armée anarchiste. Elle n’est pas formée d’anarchistes. L’idéal de bonheur et d’égalité générale ne peut s’atteindre grâce aux efforts d’une armée quelconque, même si elle était formée exclusivement d’anarchistes. Dans le meilleur des cas, l’armée révolutionnaire peut servir à détruire l’ancien régime abhorré : pour le travail de construction, pour l’édification et la création, n’importe quelle armée, qui ne peut logiquement se fonder que sur la force et le commandement, est complètement impuissante et même nocive. Pour que la société anarchiste devienne possible, il faut que partout, dans chaque ville, dans chaque village, la pensée anarchiste se réveille chez les travailleurs : il faut que les ouvriers dans leurs usines et les paysans dans leurs villages se mettent eux-mêmes à la construction de la société anti-autoritaire, sans attendre de nulle part des décrets-lois. Ni les armées anarchistes, ni les héros isolés, ni les groupes, ni la confédération anarchiste ne procureront aux ouvriers et aux paysans une vie libre. Seuls les travailleurs eux-mêmes, par leurs efforts conscients, pourront construire leur bien-être sans État ni seigneur.

Extrait de La Révolution russe en Ukraine,
bande dessinée de J.-P. Ducret,
Éditions libertaires, 2022

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Ukraine 2022 – Tchécoslovaquie 1968

Article de François Vaillant
rédigé le 10 avril 2022

pour
Alternatives non-violentes,
n° 203, de juin 2022
https://www.alternatives-non-violentes.org/

La résistance armée du peuple ukrainien et celle non-violente du peuple tchécoslovaque en 1968 ne sont pas à comparer. Il est toutefois possible de les mettre en relation.

Ce propos de Gandhi nous éclaire : « Je n’hésite pas à dire, estimait-il, que là où le choix existe seulement entre la lâcheté et la violence, il faut se décider pour la violence. […] Mais je n’en crois pas moins que la non-violence est infiniment supérieure à la violence 1»
La seconde partie du propos est souvent omise, faisant dire à Gandhi ce qu’il n’a jamais professé. Gandhi ne nous conseille pas de choisir la violence pour ne pas être lâche. Il nous propose de choisir la non-violence pour n’être ni violent ni lâche.
Dès le premier jour de l’invasion de l’Ukraine, le président Zelensky a voulu que son pays se défende par les armes. Il en fut tout différemment quand les armées du Pacte de Varsovie ont envahi la Tchécoslovaquie.
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Jo, pionnier de la désobéissance civile

Joseph Pyronnet,
pionnier de la désobéissance civile en France

C’est avec Jo Pyronnet (1927-2010), qui assista à plusieurs conférences de Lanza del Vasto, que l’action non-violente – pendant la guerre d’Algérie – deviendra originale, quand ce professeur de philosophie prend conscience de l’existence des camps d’assignation à résidence, au Larzac, où étaient enfermés les « suspects » algériens. Trente volontaires vont alors se mobiliser à ses côtés, à temps plein, pour forcer en toute non-violence l’entrée de ces camps et partager le sort des prisonniers : « Nous aussi sommes suspects ». Le groupe d’action était composé de chrétiens, catholiques ou protestants, d’un juif, d’un Algérien musulman et d’agnostiques ou athées. Par la suite, l’action se déplacera à Paris lors de plusieurs manifestations interdites, notamment celle sur le rond-point des Champs-Élysées qui réunira – en pleine guerre – plus de 1500 personnes. Événements relatés par certains titres de la presse quotidienne et Le Canard enchaîné d’alors, passés sous silence par l’histoire contemporaine ; ce fut le tout début, en France, d’une désobéissance civile non-violente en nombre et très spectaculaire pour l’époque. Les historiens ne compulsent donc pas les journaux ?

Voir la vidéo où Jo raconte cette aventure

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Des soldats russes refusent…

Dessin de Françoise Joire
dans Lara et l’ogresse
(voir article suivant)

 

« Ils étaient furieux », disent les soldats russes
qui refusent de se battre en Ukraine

Condensé par Alice Mayoux
d’un article paru dans The Guardian le 12 mai 2022

Les soldats disent non à leurs supérieurs, sachant que la sanction sera légère tant que la Russie n’est pas officiellement en guerre.
Quand Dimitri (ce n’est pas son vrai nom) qui fait partie d’une brigade d’élite de l’armée russe reçoit l’ordre, début avril, de retourner se battre en Ukraine, c’est la panique. Son unité, stationnée dans l’est de la Russie en temps de paix avait été envoyée en Ukraine fin février, au début des affrontements, et avait pris part à de violents combats.
Relevés et stationnés en Russie près de la frontière ukrainienne, leurs supérieurs ordonnent aux soldats de se préparer à repartir au combat. Certains refusent d’obtempérer. « Je veux rentrer dans ma famille », dit Dimitri dont l’exemple est suivi par huit autres réfractaires, « mais pas entre quatre planches ». Il décrit ainsi la réaction des gradés : « Ils étaient furieux mais se sont vite calmés sachant qu’ils ne pouvaient pas grand-chose contre nous. »
En effet, la Russie n’a jamais officiellement déclaré la guerre à l’Ukraine. Au Kremlin on préfère parler d’une opération militaire spéciale. Les soldats insoumis ne sont pas des appelés mais des engagés sous contrat. S’ils se trouvent en territoire russe lorsqu’ils expriment leur refus d’obéissance ils peuvent être licenciés ou affectés ailleurs mais pas poursuivis. Comme l’explique l’avocat Mikhail Benyash qui les conseille, « il n’y a pas de base légale pour une mise en examen en vue d’une action en justice ». D’après l’avocat, des centaines de soldats se seraient adressés à lui et à son équipe et auraient choisi le licenciement ou le transfert d’affectation plutôt que de passer dans « le hachoir à viande ».
En temps de guerre, les sanctions seraient bien plus lourdes, et les soldats encourraient des peines de prison.
Le nombre exact des refus d’obéissance ne nous est pas connu mais ils illustrent ce que les experts militaires occidentaux présentent comme l’obstacle majeur que rencontre la Russie en Ukraine, à savoir un manque criant d’effectifs dans l’infanterie.
Au départ, Moscou avait envoyé 80 % des effectifs de son armée de terre en Ukraine où ils se sont trouvés confrontés à des problèmes de logistique, à une résistance ukrainienne inattendue et à une chute de moral. Les soldats sont épuisés par le combat et ils ne tiendront pas sur le long terme. Aujourd’hui l’infanterie russe ne dispose pas d’effectifs suffisants pour assurer une relève fréquente des combattants par des troupes fraîches. Poutine peut difficilement envoyer des appelés en l’absence d’une déclaration de guerre officielle. Qui assurerait leur formation dès lors que ceux qui pourraient le faire sont eux-mêmes au combat ? Une mobilisation générale risquerait de ne pas être acceptée par une frange de la population russe qui cependant approuve l’opération spéciale. D’autant plus que, parmi les appelés, les pertes seraient colossales.
D’après des enquêtes menées par la BBC, les autorités russes tentent par tous les moyens de recruter de nouveaux soldats. Sur le site du ministère de la Défense, on trouve des annonces offrant des contrats courts et très bien rémunérés dans l’armée de terre. De grandes entreprises d’État ont été contactées et fortement encouragées à faire enrôler leurs employés. La Russie a également recours aux mercenaires du groupe Wagner lié au Kremlin.
Tout cela semble insuffisant et peut faire douter non seulement de la victoire finale des Russes mais même de leur capacité à conserver les territoires ukrainiens qu’ils contrôlent actuellement.

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Lara et l’ogresse

Pour les enfants

Ce conte est une allégorie pour la paix. Il raconte le lien affectif qui unit une grand-mère et sa petite-fille. La parole s’entremet entre le réel assombri par la guerre incessante qui ravage une région non géographiquement déterminée et le désir de vivre entre humains sans violence. Si la grand-mère raconte un conte à l’enfant pour lui insuffler l’espoir d’une fin de la guerre – ogresse-dévoreuse , elle lui inculque aussi le travail de la terre comme rapport essentiel des hommes avec la vie.

Quelle relation à la vie pour des enfants qui ne connaissent que la guerre ? Pour des enfants chez qui la peur a remplacé la projection de vivre ? Les contes dénouent la peur, ils sont maîtres en la matière ; les contes donnent l’appétit de vivre chez tous les enfants du monde, c’est là leur force évocatoire. Mais pour aboutir il leur faudrait moduler l’action d’une génération sur la suivante et réciproquement ; il leur faudrait donc nouer un lien de continuation entre les générations.
Lara et l’ogresse, bellement illustré en gris et blanc, n’est pas un conte expiatoire. C’est un conte de la conscience en responsabilité. L’envie de vivre et d’échapper à la dépression traumatique transmise par la grand-mère à sa petite fille se mue en sa réciproque quand la petite-fille, usant, de même, et du conte et du rapport à la terre, réamorce le goût de vivre de sa grand-mère. Or cette action peut trouver sa réalisation parce qu’il y a passage de la violence à la non-violence, au niveau de la société comme au niveau immanent de l’individu. Cette interprétation, qui se construit au fil de l’album, s’appuie sur la thématique de l’entrecroisement des générations. Ici, aucun stéréotype social contemporain n’a prise, ni la régression à l’ordre gérontocratique ni le jeunisme illusoire. La non-violence, comme moteur de l’avenir humain, se nourrit, dans l’album, du développement des consciences sur la base de la leçon de choses dont les guerres imprègnent le monde contemporain. L’album illustrerait alors une solidarité qui vaut responsabilisation intensifiée.

Philippe Geneste

Françoise Joire & Jihad Darwiche,
Lara et l’ogresse, bilingue français-arabe,
L’Harmattan, 2021, 52 p.

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Boycott des produits israéliens

Paris le 29 avril 2022
de l’Union syndicale Solidaires

Un (gros) pavé dans le jardin sécuritaire de Macron !

En suspendant la dissolution du collectif Palestine Vaincra, lequel a pour objectif le soutien aux luttes pacifiques des populations palestiniennes contre l’oppression qui leur est faite par l’État d’Israël, le Conseil d’État vient d’infliger un revers majeur à la politique de répression mise en œuvre par Macron et son gouvernement contre la liberté d’association. En effet, depuis la publication de la loi séparatisme, ces derniers ne cessent de s’en prendre au milieu associatif dont les combats leur déplaisent : des associations luttant contre les discriminations faites aux populations musulmanes mais également luttant sur le terrain de l’antifascisme jusqu’à des médias exprimant ou relayant des positions politiques avec lesquelles ils sont en désaccord.
S’agissant du collectif Palestine Vaincra, son soutien aux populations palestiniennes réprimées lui ont valu d’être dissout par Darmanin début mars en raison, entre autres, de ses positions et actions en faveur du boycott des produits israéliens commercialisés, de son soutien à la libération de prisonnier·es palestinien·nes ou encore pour ne pas avoir modéré des propos considérés comme haineux sur les réseaux sociaux, actes qui seraient de nature, selon le gouvernement, à favoriser le terrorisme.
Le Conseil d’État a répondu le 25 avril en procédure de référé que les griefs sont infondés, précisant notamment que « l’appel à boycott de produits israéliens qui est une modalité particulière d’exercice de la liberté d’expression ne saurait constituer en lui-même une provocation ou une contribution à la discrimination à la haine ou à la violence contre un groupe de personnes ». Il n’y a dès lors aucun motif à dissolution et le Conseil d’État conclut que le décret de dissolution est manifestement entaché d’un doute sérieux sur sa légalité. Quand il examinera dans quelques mois ce décret au fond, il y a de sérieuses probabilités que celui-ci soit envoyé à la poubelle d’où il n’aurait jamais dû sortir. En attendant le collectif Palestine Vaincra est réhabilité et les arguments du Conseil d’État attestent de la légalité de nombre de combats légitimes en faveur des populations discriminées et opprimées.
C’est assurément une grande victoire dont l’union syndicale Solidaires, intervenante volontaire dans ce procès, se félicite. Elle démontre toute la nocivité de la loi séparatisme dont l’ensemble des dispositions doivent être abrogées et elle permet d’avoir de nouveaux éléments de droit à opposer dans les batailles juridiques contre la campagne BDS.
Cette victoire renforce notre détermination à lutter toujours plus contre toutes les discriminations et oppressions, où qu’elles se situent et contre les mesures liberticides destinées à entraver nos combats pour la justice sociale !

31, rue de la Grange-aux-belles, 75 010 Paris
Téléphone : 33 1 58 39 30 20
contact@solidaires.org
www.solidaires.org

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Le sommeil des fourmis citoyennes

« Il faut allier l’optimisme de la volonté
et le pessimisme de la raison »,
écrivait Antonio Gramsci.

Effectivement, face, d’une part, à l’indifférence, au mépris des gens de pouvoir et même à leur inhumanité, d’autre part, face à l’apathie, à l’atonie, à l’égoïsme, à la résignation des gens ordinaires, il ne nous reste d’autre choix que de cultiver inlassablement notre persévérance rebelle et contestatrice.
Le mot « indifférence », réitéré tout au long de Démilitariser la France d’Alain Refalo, texte essentiellement pacifiste, bien informé et, de plus, ouvrage largement exhaustif, ne nous laisse pas, quant à nous, indifférent, mais il peut engendrer, bien malgré son auteur, le plus grand découragement. Continuer la lecture

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L’Œil de l’État

Publié dans Chroniques Noir & Rouge
n° 7, décembre 2021

Dans Homo Domesticus,
James C. Scott proposait un travail historique,
tout en nuances,
pour comprendre l’émergence de l’État ;
ce dernier mis en place, il s’agissait donc
pour lui, l’État, d’accentuer sa lisibilité
sur les domaines dont il s’était emparé ;
thème que Scott développe
dans
L’Œil de l’État.

Ce qui, pour les humains, était « précédemment perçu comme des cadeaux de la nature » : forêts, gibier, plantes, eau, terre, minerais, etc., l’État va s’en approprier et s’efforcer d’en faire la comptabilité.
« Une société illisible constitue un frein à l’intervention efficace de l’État […] qui consiste à piller ou à assurer le bien-être public. » Les principales activités de l’État auront alors pour but de remodeler la population, l’espace et la nature « en systèmes clos ne réservant pas de surprises et susceptibles d’être observés et contrôlés ».

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Elle refuse de servir dans l’armée israélienne

13 février 2022

Shahar, jeune Israélienne,
refuse de servir
dans l
armée doccupation
au titre de l
apartheid
commis envers le peuple palestinien

Ami.e.s
Je suis heureuse de vous annoncer quaprès avoir passé 88 jours dans une prison militaire pour avoir refusé de menrôler dans larmée israélienne, jai enfin reçu mon exemption ! Ce fut un long voyage qui a commencé des années avant que je ne sois censée mengager. Dès mon plus jeune âge, jai su que je ne prendrais pas part à linjustice de loccupation israélienne des territoires palestiniens. Cela sest manifesté dans ma vie au lycée où jai tenu bon dans les disputes avec mes camarades, dans ma participation active au groupe de jeunes de Mesarvot et dans mon refus de participer aux ateliers et aux formations que les jeunes Israéliens doivent suivre pour se préparer à la vie dans l’armée.

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