Croire tue !

Émission sur la Clé des ondes à Bordeaux

La formule est lapidaire, péremptoire, mais c’est vrai que parfois les croyants sont pour le moins insupportables ; et c’est peu de le dire. Ainsi nous assistons, de nos jours, si l’on en croit la presse, à un « terrifiant retour du religieux ». Athée à « l’esprit tranquille », du haut de ma sereine incroyance religieuse affichée, je « crois » quand même que l’auteur de Vagabondages autour du fait religieux, « partisan inconditionnel de la laïcité », s’est laissé aller − pour faire court − à un humour facile, ou alors a-t-il conservé l’esprit de La Calotte, ce journal anticlérical et satirique, animé par André Lorulot et qui fut, pour certains − et pour moi − un marchepied vers l’anarchisme.
Sans craindre de se contredire, l’auteur déclare un peu plus loin :
« On peut d’abord constater, sans optimisme outrancier, qu’à des différences près selon les lieux et les temps, et en dépit de certaines apparences contemporaines dramatiques, les religions régressent. »
Aussi, « vagabondages » sera le bon terme pour qualifier ces réflexions religiophobes du libre-penseur Christian Meriot. Avouons cependant que nous nous sommes un peu perdus dans ce qu’il nomme aussi son errance jardinière.
Il nous a semblé qu’il fait se superposer deux plans qui, il faut le dire, quelquefois se confondent : la croyance à un monde transcendantal − qui peut être tout à fait inoffensif − et le monde bien réel des institutions religieuses, plutôt nocives, comme le Vatican.
Oui, Dieu est le nom donné à notre ignorance. Et il cite Sade écrivant : « Ce que je ne pardonnerai jamais à l’homme, c’est d’avoir inventé Dieu. » Nous pourrions également citer Malcolm de Chazal, dans Sens magique, qui écrit : « Croire est la fatigue des dévots. »
Pour autant, l’auteur rappelle que certaines hérésies religieuses, comme celle de Thomas Müntzer, ont pu porter des messages révolutionnaires en avance sur leur temps, que le jansénisme « aurait introduit une certaine dose de raison dans la conduite des délibérations », etc. Ainsi, la religion ne serait pas toujours un opium du peuple.
Et l’anticléricalisme serait même une « déviation bourgeoise » qui en mangeant du curé détournerait le travailleur de sa lutte contre le patron.
« Écrasez l’infâme ! » Sans doute est-ce quand même dans cette lignée voltairienne que se situe notre auteur. Il s’agit de militer contre toute théologie, cette « science du rien », disait Rabelais. Certes. Mais, au détour de son livre, Christian Meriot cite Henry David Thoreau qui écrivait : « Si vous voulez convaincre un homme qu’il agit mal, agissez bien. Mais ne vous souciez pas de le convaincre. Les hommes croient ce qu’ils voient, alors donnez-leur à voir. » Rappelons que Thoreau était un transcendantaliste à la façon d’Emerson.
Et on peut s’étonner, à propos de l’origine de la morale hors du champ religieux, de ne pas voir citer L’Entraide de Kropotkine, ou les derniers travaux de Frans de Waal sur les singes, ou encore ceux de Pierre Jouventin encore plus proche de nous, etc.
Par ailleurs, dans ce livre plein de questionnements sur l’actualité, nous aurions aimé que l’auteur développe une idée seulement esquissée au cours de l’ouvrage :
« Toute révolution sérieuse est d’abord sémantique. L’importance de l’emploi des mots vient de ce que la guerre des signes prépare la guerre des hommes. »
Et nous somme heureux de retrouver la belle formule d’Albert Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur de ce monde. »

Christian Meriot, Vagabondages autour du fait religieux.
Croire tue, chez L’Harmattan, 2016, 190 p.

Achaïra du 4 septembre 2017

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