Des soldats russes refusent…

Dessin de Françoise Joire
dans Lara et l’ogresse
(voir article suivant)

 

« Ils étaient furieux », disent les soldats russes
qui refusent de se battre en Ukraine

Condensé par Alice Mayoux
d’un article paru dans The Guardian le 12 mai 2022

Les soldats disent non à leurs supérieurs, sachant que la sanction sera légère tant que la Russie n’est pas officiellement en guerre.
Quand Dimitri (ce n’est pas son vrai nom) qui fait partie d’une brigade d’élite de l’armée russe reçoit l’ordre, début avril, de retourner se battre en Ukraine, c’est la panique. Son unité, stationnée dans l’est de la Russie en temps de paix avait été envoyée en Ukraine fin février, au début des affrontements, et avait pris part à de violents combats.
Relevés et stationnés en Russie près de la frontière ukrainienne, leurs supérieurs ordonnent aux soldats de se préparer à repartir au combat. Certains refusent d’obtempérer. « Je veux rentrer dans ma famille », dit Dimitri dont l’exemple est suivi par huit autres réfractaires, « mais pas entre quatre planches ». Il décrit ainsi la réaction des gradés : « Ils étaient furieux mais se sont vite calmés sachant qu’ils ne pouvaient pas grand-chose contre nous. »
En effet, la Russie n’a jamais officiellement déclaré la guerre à l’Ukraine. Au Kremlin on préfère parler d’une opération militaire spéciale. Les soldats insoumis ne sont pas des appelés mais des engagés sous contrat. S’ils se trouvent en territoire russe lorsqu’ils expriment leur refus d’obéissance ils peuvent être licenciés ou affectés ailleurs mais pas poursuivis. Comme l’explique l’avocat Mikhail Benyash qui les conseille, « il n’y a pas de base légale pour une mise en examen en vue d’une action en justice ». D’après l’avocat, des centaines de soldats se seraient adressés à lui et à son équipe et auraient choisi le licenciement ou le transfert d’affectation plutôt que de passer dans « le hachoir à viande ».
En temps de guerre, les sanctions seraient bien plus lourdes, et les soldats encourraient des peines de prison.
Le nombre exact des refus d’obéissance ne nous est pas connu mais ils illustrent ce que les experts militaires occidentaux présentent comme l’obstacle majeur que rencontre la Russie en Ukraine, à savoir un manque criant d’effectifs dans l’infanterie.
Au départ, Moscou avait envoyé 80 % des effectifs de son armée de terre en Ukraine où ils se sont trouvés confrontés à des problèmes de logistique, à une résistance ukrainienne inattendue et à une chute de moral. Les soldats sont épuisés par le combat et ils ne tiendront pas sur le long terme. Aujourd’hui l’infanterie russe ne dispose pas d’effectifs suffisants pour assurer une relève fréquente des combattants par des troupes fraîches. Poutine peut difficilement envoyer des appelés en l’absence d’une déclaration de guerre officielle. Qui assurerait leur formation dès lors que ceux qui pourraient le faire sont eux-mêmes au combat ? Une mobilisation générale risquerait de ne pas être acceptée par une frange de la population russe qui cependant approuve l’opération spéciale. D’autant plus que, parmi les appelés, les pertes seraient colossales.
D’après des enquêtes menées par la BBC, les autorités russes tentent par tous les moyens de recruter de nouveaux soldats. Sur le site du ministère de la Défense, on trouve des annonces offrant des contrats courts et très bien rémunérés dans l’armée de terre. De grandes entreprises d’État ont été contactées et fortement encouragées à faire enrôler leurs employés. La Russie a également recours aux mercenaires du groupe Wagner lié au Kremlin.
Tout cela semble insuffisant et peut faire douter non seulement de la victoire finale des Russes mais même de leur capacité à conserver les territoires ukrainiens qu’ils contrôlent actuellement.

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