Comprendre la non-violence

Texte de Philippe Geneste sur : lisezjeunessepg

À propos de Le Boycott, moyen de lutte multiforme.
De Lysistrata au BDS
d’André Bernard 
avec la coopération de Geneviève Coudrais et Nicole Lefeuvre,
Les Éditions libertaires, 2018, 76 p.

Voici un ouvrage tout indiqué pour les centres de documentation des lycées et pour les médiathèques et autres bibliothèques accueillant des adolescents. Le livre se place dans la filiation des formes de lutte non-violentes et en décrit avec moult précisions des exemples contemporains. Un historique savant, mais très simple à lire, ouvre la lecture et nous plonge dans une familiarité de la modalité d’opposition pourtant, souvent, perdue de vue.

Évoquons : Lysistrata, une pièce d’Aristophane, Les Voyages de Gulliver où Swift offre un exemple qui préfigure presque Gandhi. L’auteur passe aussi en revue des événements liés à des luttes syndicales du début du vingtième siècle puis de l’Espagne en 1936, etc. Il évoque, aussi, des luttes sociales contre la colonisation, Tagore, Gandhi, contre l’apartheid et le racisme, Mandela, Rosa Park… Et, bien sûr, le livre produit une riche chronologie de boycotts contemporains.
Deux d’entre eux sont ensuite analysés en explorant le processus qui y a mené et les mécanismes de leurs mises en œuvre. C’est le boycott de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid, et la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS), initiée pour que soient appliquées, par Israël, les résolutions de l’ONU consacrées à la Palestine et au droit des Palestiniens. Le boycott y apparaît « comme moyen légitime de défendre et de faire campagne pour la liberté des Palestiniens, la justice et l’égalité ».
La modalité non-violente du boycott met à l’épreuve les États sur le droit à la liberté d’expression. La France, par exemple, est la seule démocratie occidentale à réprimer le boycott alors que la liberté d’expression est inscrite dans la Constitution. Qui connaît les démêlés des partisans du BDS France avec la justice ? Et pourtant, voilà un sujet intéressant la question de l’engagement dont le système éducatif se fait des gorges chaudes à dates régulières.
Le Boycott, moyen de lutte multiforme (…) interroge le lien entre engagement individuel et engagement collectif, question vive au sein de la jeunesse. Le boycott « peut être un acte minimal, un moyen pauvre » mais est-il la marque « d’un “nouveau militantisme” horizontal qui se concrétise autour de projets éphémères et immédiats » ? Déplace-t-il véritablement « le conflit du lieu de production vers le lieu de la consommation » ? La lutte des classes n’a-t-elle pas pour source, encore et toujours, y compris via le boycott, son ancrage dans la production et dans la relation entre consommateurs et producteurs ? Ces questions sont posées, l’auteur penchant parfois du côté d’une désobéissance de la « société civile » plutôt que du côté du combat des exploités contre les détenteurs de moyens de production et des leviers du pouvoir. Mais il sait aussi illustrer les liens entre le boycott et la lutte des classes et l’histoire du boycott développée montre que son succès dépend de la convergence des actes individuels dans l’action collective. Encore une fois, ce livre ouvre des horizons. La modalité de l’action par le boycott met à l’épreuve la liaison entre ce qu’on nomme le mouvement social et les luttes contre l’exploitation portées par le syndicalisme. Là aussi, l’auteur permet au lecteur de s’instruire pour se faire lui-même une opinion.
En ces temps où triomphent les discours guerriers, lire un ouvrage qui prône la non-violence avec une érudition amoureuse de clarté d’exposition, est suffisamment exceptionnel pour entrer dans les rayons de toutes les bibliothèques.

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Et on peut lire dans Silence, n°467, de mai 2018 :

« Petit livre, un peu lapidaire, sur les pratiques de boycott et notamment celle du BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) initié par des organisations palestiniennes contre le gouvernement israélien. Des infos brutes et quelques illustrations en noir et blanc. »

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