Made in Israël

Émission sur la Clé des ondes à Bordeaux

Politis, dans un article du 13 février 2014, titrait à propos d’Israël : « La peur du boycott. Le gouvernement israélien et le patronat prennent conscience de l’ampleur du mouvement international en faveur de la campagne BDS. »
La Croix de février 2014, de son côté, faisait sa une avec : « Le boycott qui inquiète Israël. »
En juillet 2004, la Cour internationale de justice, dans un rapport, avait déclaré illégale la construction du mur entre Israël et la Palestine, le long de la ligne verte, décision qui fut confirmée quelques jours plus tard par l’Assemblée générale des Nations unies.
Mais il ne s’agissait pas seulement du démantèlement du mur ; sur un plan plus général, il était question du démembrement des colonies en territoires occupés, sans oublier la discrimination « raciale » permanente subie par les Palestiniens.

Les différentes tentatives pour mettre fin à cette situation d’injustice ayant jusqu’à maintenant échoué, des Palestiniens de Palestine, des Palestiniens israéliens et des Palestiniens réfugiés, soit 170 associations de la société civile, ont lancé, en juillet 2005, BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions), une initiative totalement autonome de l’Autorité palestinienne ; c’est un appel aux gens de conscience du monde entier pour une large campagne de boycott de l’État d’Israël ; boycott d’Israël et pas seulement des produits des territoires occupés parce qu’« il n’y a pas de séparation structurelle entre l’économie des colonies et l’économie israélienne ».
Une telle campagne, se propageant internationalement, avait déjà fait ses preuves contre le régime d’apartheid en Afrique du Sud après l’appel d’Albert Luthuli au début des années 1950.
En 2009, le Tribunal Russel pour la Palestine accompagnait l’initiative de BDS qui se développe maintenant en de nombreux pays, y compris en Israël où est né Boycott from Within (boycott de l’intérieur), un mouvement cependant très minoritaire.

Ce boycott se déploie essentiellement sur quatre niveaux : économique, sportif, universitaire et culturel.

Le boycott économique appelle les consommateurs à refuser de se rendre complices de la violation des droits humains et à ne pas acheter des produits israéliens d’où qu’ils viennent ; il appelle également à boycotter les sociétés − israéliennes ou pas − qui participent directement à l’étouffement du peuple palestinien. Ainsi sont cités les magasins Sephora qui commercialisent des produits de beauté, la société Mehadrin qui exporte des produits agricoles, Keter qui fournit du petit matériel d’équipement, les médicament génériques Teva, Caterpillar qui participe à la destruction du patrimoine palestinien, les stations BP et Esso rachetées par le conglomérat israélien Delek, ainsi que bien d’autres.

Le boycott sportif s’est illustré par des footballeurs qui ont adressé en décembre 2012 une lettre à l’UEFA (Union des associations européennes de football) pour protester contre l’organisation en Israël de l’Euro dit « Espoirs de foot ».

Le boycott universitaire, représenté symboliquement par l’archevêque Desmond Tutu et par l’écrivain Breyten Breytenbach qui appuient l’Université de Johannesburg qui a appelé à rompre tous liens académiques avec l’Université Ben-Gourion du Néguev, ce qui a été fait en 2011.

Le boycott culturel ne préconise pas de rejeter des artistes israéliens, mais uniquement des événements en dehors d’Israël quand ils sont financés par le gouvernement ou lorsqu’ils sont explicitement sionistes, et demande aux artistes du monde entier de ne pas se produire en Israël.
Ainsi, Roger Waters, du groupe Pink Floyd, demanda aux musiciens du monde entier de ne pas se produire en Israël. Le chiffre de 10 millions de dollars de pertes pour ce secteur d’activité artistique est significatif. Les Pink Floyd viennent, d’ailleurs, d’écrire aux Rolling Stones  pour leur demander de ne pas aller jouer en Israël :
« Le mouvement BDS ne défend aucune position politique particulière dans le conflit, (solution à un ou à deux États) et nous ne le  faisons pas non plus. Au contraire, nous appelons à une résolution qui protège la liberté, la justice et des droits égaux pour tous, quelle que soit leur identité. […] Jouer en Israël aujourd’hui, c’est comme d’aller jouer à Sun City au plus fort de l’apartheid en Afrique du Sud. »
À Angoulême, lors du Festival international de la bande dessinée, en début d’année, plus d’une quarantaine d’artistes d’une dizaine de pays ont dénoncé le partenariat entre le festival et SodaStream, une entreprise israélienne spécialisée dans les appareils de gazéification de boissons qui est installée dans les territoires occupés palestiniens et qui sponsorise le festival.
Il faut ajouter que, au début de janvier 2014, sont entrées en vigueur les directives de l’Union européenne interdisant toute subvention à une entreprise ou association israélienne implantée dans les territoires palestiniens occupés ; ce qui a amené plusieurs responsables politiques israéliens à prendre au sérieux ces mesures et à dire leurs inquiétudes.
« L’économie israélienne en pâtira et tout Israélien sera directement affecté d’un point de vue économique », a déclaré Yaïr Lapid, ministre des Finances israélien, le 31 janvier 2014, car, en cas d’application de ces sanctions, les exportations d’Israël vers l’Union européenne diminueraient de 20 %.
Des chefs d’entreprise, inquiets, ont constitué en 2012 une association, Breaking the Impasse, pour demander la création de deux États, car « le conflit porte atteinte au portefeuille des Israéliens, à la croissance et à la stabilité économique ».
Des colons de la vallée du Jourdain, selon un article paru dans le journal Haaretz, fin 2013, se plaignent d’une chute de leurs revenus de 15 % depuis le début de la campagne BDS.
Mais, d’une façon générale, les entreprises israéliennes estiment qu’il vaut mieux nier l’existence de BDS pour lutter contre ; pour autant, il faut estimer à 10 % les pertes en exportation.

Le désinvestissement consiste, pour des sociétés, à retirer leur partenariat aux entreprises israéliennes complices de la politique coloniale. Ainsi la Dutch ASN Bank, néerlandaise, a annulé ses investissements dans la multinationale Veolia (transports israéliens) dès 2006 ; une fédération d’associations confessionnelles suédoises a fait de même ainsi que d’importantes sociétés de fonds de pension. En Grande-Bretagne, en Hollande, en Suisse, des directions de grandes surfaces ont décidé de retirer de leurs étalages les produits provenant des territoires occupés. Vivens, le plus gros fournisseur d’eau potable des Pays-Bas, a mis fin à sa coopération avec Mekorot, la compagnie nationale d’eau israélienne. PGGM (Voor een waardevolle toekomst), un fonds d’investissements qui pèse 150 milliards d’euros, a annoncé sa décision de ne plus s’investir dans cinq banques israéliennes impliquées dans la colonisation.

Les sanctions pourraient être appliquées si était respecté l’article 2 du processus − politique, culturel et économique −, dit de Barcelone, lancé par l’Union européenne pour la création d’une zone de libre-échange en Méditerranée ; ce processus prévoit le respect des droits humains et du droit international que dédaigne Israël ; pour autant, c’est une menace qui attend d’être mise en œuvre et qui pèse sur Israël.
L’argument israélien pour contrer BDS est de l’accuser d’antisémitisme.
En France, le ministère de la Justice considère tout appel au boycott des produits d’un pays comme une provocation publique à la discrimination envers une nation et même une provocation à la haine raciale. Les procès se sont donc multipliés, mais le monde bouge.
Lentement, très lentement…

Sources : Geneviève Coudrais et Pierre Puchot
(Médiapart du 20 avril 2014)

Achaïra, 2 juin 2014

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