L’humanité disparaîtra, bon débarras !

Auteure : Sylvie Knoerr-Saulière

Le titre est provocateur, et le contenu du livre l’est presque autant. Presque ? Oui, car il est difficile, si l’on se tient informé des multiples problèmes que doivent affronter la planète Terre et les êtres vivants qu’elle abrite, de refuser cette hypothèse : la disparition d’Homo sapiens en tant qu’espèce.

Depuis l’émergence de la vie sur la Terre, diverses formes en sont apparues, puis ont disparu. Pourquoi Homo sapiens échapperait-il à ce processus ? D’ailleurs, d’autres variétés d’hominidés ne sont plus là – certaines ayant cohabité (pacifiquement ?) avec Homo sapiens (1). Et, au cours des millénaires, de « grandes extinctions » se sont déjà produites, causées par l’arrivée d’une météorite ou le réveil des volcans.
Ce livre d’Yves Paccalet n’est pas long, mais dense et foisonnant d’informations, de questions, d’hypothèses.
Homo sapiens n’est pas du tout un sage, et il est en mesure non seulement de se détruire en tant qu’espèce, mais d’en entraîner d’autres avec lui. D’autres qui n’en peuvent mais, et qui contribuent à un équilibre non statique, évolutif, riche de possibilités multiples. D’autres dont il a besoin pour son existence même. Les humains consomment plus qu’ils ne rendent, se multiplient à foison et envahissent tous les espaces possibles. Destruction des sols, des végétaux, des autres espèces animales. Pollutions diverses. Nucléaire. Effet de serre dû entre autres à l’industrialisation avec pour conséquences réchauffement et accidents climatiques, montée des eaux, etc. L’auteur expose à la fin treize scénarios de catastrophes possibles (2).
Sont en cause le précepte religieux du « Croissez et multipliez », l’idée d’une supériorité sur les autres vivants (l’Homme comme sommet de l’évolution), le projet d’une croissance presque indéfinie (le développement dit durable), le profit surtout, qui agrandit l’écart entre riches et pauvres, entre pays au mode de vie occidental et pays sous ou peu développés. Au nom de quelle morale pourrait-on interdire ce mode de vie « moderne » à ceux qui n’y ont pas encore accès ?
« Nous ne nous en tirerons que par la vertu d’une décroissance raisonnable. Sauf que c’est impossible, parce que personne n’en veut », dit l’auteur, qui cite un poète chinois du VIIe siècle, Hui Neng : « Si tu ne trouves pas refuge dans ta propre nature, tu ne le trouveras nulle part. » Oui, le propos est globalement pessimiste. Au grand dam des partisans d’une décroissance mesurée, humaine bien sûr. Certains sont allés jusqu’à traiter le livre d’Yves Paccalet d’« un peu nazi »… (3)
Il est des constats qui dérangent. Beaucoup, de sensibilité et de pensée de gauche, partisans d’un humanisme révolutionnaire, tout à leur souci de contrer le capitalisme et les oppressions nombreuses qui en résultent, ont oublié de lire attentivement le texte  d’Yves Paccalet. Celui-ci réunit simplement dans ses pages tout ce que nous apprenons au jour le jour dans la presse et les revues scientifiques, ce que nous voyons dans les documentaires naturalistes, ce que nous constatons par nous-mêmes pour peu que nous voulions bien le voir. Il souligne que l’homme est un grand singe égoïste (4) obéissant à ses pulsions, sexuelle, territoriale et hiérarchique. Car, oui encore, Homo sapiens est un primate, cousin des chimpanzés, des bonobos, des orangs-outans et d’autres à peine moins proches.
Nier la réalité de l’impact environnemental de notre espèce et sa toxicité n’empêchera pas sa disparition. Celle-ci arrivera de toute façon, au moins de par l’évolution naturelle. Mais Homo sapiens accélère le processus. Est-il capable d’inverser le mouvement ? Yves Paccalet répond que non, et avec regret. Je partage son pessimisme et continuerai de m’indigner que l’espèce dont je fais partie méprise à tel point les autres vivants. Reste à espérer que sur une planète encore viable apparaissent ou subsistent d’autres formes de vie, témoignant de plus de sagesse que la nôtre.

Sylvie Knoerr-Saulière

1. Jean-Jacques Hublin avec Bernard Seytre, Quand d’autres hommes peuplaient la terre, Flammarion, 2008.
2. Trois naturelles : météorite, nuage interstellaire et volcans, les autres d’origine humaine : surpopulation, épuisement des ressources, guerres, grands travaux et saccages, épidémies, effondrement de la biodiversité, trous d’ozone, dérèglement climatique. Cette évocation faisant penser au livre de Jared Diamond, Effondrement, Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Gallimard, traduit de l’anglais (USA), édition française 2006, originellement chez Viking Penguin en 2005).
3. http://www.decroissance.org/?chemin=textes/paccalet
4. Pierre Jouventin, L’Homme, cet animal raté, édition Libre & solidaire, 2016.

Yves Paccalet, L’humanité disparaîtra, bon débarras !
J’ai Lu, Arthaud, 2006

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