Virginie Barbet

Émission sur la Clé des ondes à Bordeaux

Je vais vous parler d’un petit livre d’un peu plus de 100 pages. Il s’agit de : Virginie Barbet, une Lyonnaise dans l’Internationale. Qui était Virginie Barbet ? Une féministe active dans la Première Internationale, et qui discutait avec Marx et avec Bakounine, ou essayait de le faire… et qui a été négligée par la postérité parce qu’elle était… une femme : on ne connaît ni sa date de naissance ni celle de sa mort ! On sait qu’elle était cabaretière ; oui, elle tenait un bistrot !

Claire Auzias, dans la préface, évoque « cette femme révolutionnaire restée dans l’ombre des grands hommes ». Virginie Barbet est sortie de l’anonymat grâce à des articles qu’elle a écrits dans différents journaux (par exemple l’Égalité de Genève ou la Solidarité de Neuchâtel) et grâce à des brochures que Antje Schrupp, l’historienne, a été dénicher dans les archives et qui sont reproduits dans le bouquin.
Ainsi, notre Virginie prit position pour l’abrogation du droit d’héritage.
C’est elle, sûrement, qui écrivit le Manifeste des femmes lyonnaises adhérentes à l’Internationale pour engager les jeunes gens de 1870 à refuser le service militaire.
« C’est par un acte révolutionnaire, celui du refus de la conscription, qu’il faut protester et non par d’inutiles réclamations. »
« Que craignez-vous ? La prison ? Nous, vos mères, vos sœurs, vos amies, nous veillerons sur vous, nous combattrons avec vous. Aussitôt que nous aurons appris qu’un ou plusieurs d’entre vous ont été arrêtés, nous irons en foule réclamer à l’autorité compétente, et il faudra bien qu’on nous rende justice. »
Elle expliqua pourquoi elle était collectiviste, c’est-à-dire pour l’égalité économique et sociale. « Chacun pour tous, tous pour chacun », dit-elle. Le sol et les matières premières doivent devenir propriété collective.
Et elle, la « citoyenne obscure », comme elle se nomme, ose écrire une « Réponse d’un membre de l’Internationale à Mazzini » pour qui Dieu est « la base unique, éternelle et inébranlable de vos devoirs et de vos droits ». Contre cela, contre Mazzini, Virginie Barbet se déclara résolument athée.
Je pense que l’on m’a fait parvenir ce bouquin parce qu’il y est question de résistance à la conscription et aussi de non-violence. Car l’auteure veut tirer Virginie Barbet du côté de la non-violence. C’est excessif et anachronique.
Néanmoins, retenez le nom de Virginie Barbet. Nom cité plusieurs fois par James Guillaume dans l’Internationale, documents et souvenirs (1864-1878).

Antje Schrupp, Virginie Barbet,
une Lyonnaise dans l’Internationale,
Atelier de création libertaire, 2009, 100 p.

Et je vais vous parler aussi de
« L’entraide, un facteur de révolutions »

C’est le dernier numéro de la revue Réfractions, le n° 23 (recherches et expressions anarchistes), qui vient de paraître. Il a pour titre : « L’entraide, un facteur de révolutions ». En voici le sommaire :
Marianne Enckell rappelle l’histoire du titre du livre de Pierre Kropotkine, l’Entraide, un facteur de l’évolution (1902).
Jean‑Christophe Angaut nous met en garde contre le côté naturaliste de Kropotkine, tout en rappelant que ce livre reste encore incontournable.
Annick Stevens se demande s’il est légitime de fonder une éthique sur la nature et confronte les arguments de la tradition philosophique, une conception fonctionnaliste ou utilitariste de la morale, soit une éthique fondée sur la liberté.
Alain Thévenet, en commentant le dernier livre de l’anthropologue Marshall Sahlins, montre que la conception d’une nature humaine « méchante » est loin d’être universelle.
Jacques van Helden met en évidence les dérives de certains scientifiques qui prétendent expliquer, voire guider, nos choix moraux sur la base de modèles biologiques controversés, en s’appuyant sur une vision pan‑sélectionniste de l’évolution (dans le cas de la sociobiologie) ou sur un réductionnisme excessif (en génétique du comportement).
Pablo Servigne retrace les découvertes scientifiques faites sur l’entraide au cours du siècle. Revisitant ainsi Kropotkine, il montre que les secrets de l’entraide sont loin d’être percés et que les approches scientifiques sont souvent contradictoires.
Pierre Jouventin, un brin provocateur, sur les traces du philosophe Peter Singer, plaide pour que la gauche accepte enfin d’intégrer la nature biologique de l’homme dans son programme.
André Bernard avance que l’entraide est une sorte d’« obligation » morale pour les anarchistes : « Être anarchiste oblige ! », écrit-il.
Pour Sylvie Knœrr, être solidaire et anarchiste individualiste n’est pas une contradiction : l’entraide libertaire permet et respecte les démarches individuelles.
Dans un entretien, Laurence Baudelet et Irène Pereira discutent de l’expérience des jardins partagés et en quoi ils peuvent être perçus comme des îlots libertaires.
Martial Lepic analyse la place que peut prendre l’exemple des mutuelles de fraudeurs dans les transports en commun, l’entraide est alors un combat.
Et puis un dossier important sur le contre‑sommet de l’Otan à Strasbourg avec Alain Bihr, Pierre Sommermeyer, Guillaume Gamblin et Wolfgang Hertle qui apportent leur témoignage et appellent à une réflexion approfon­die sur la récurrence des explosions de violence lors des manifestations.
En transversales, Alexandre Neumann défend l’idée que les mouvements trotskistes n’ont en rien changé leur fonctionnement vertical et autoritaire, malgré leur prétention à l’ouverture et à la démocratie interne.
Quant à Bernard Hennequin, il s’interroge sur la compatibilité entre le caractère subversif d’une œuvre d’art et les subventions publiques qui la promeuvent.
De bonnes lectures pour votre nuit !

Achaïra, 17 décembre 2009

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